Interviews

Compagnie du droit au chapitre
Exploration de la vie communautaire à Ganshoren

Christiane,
Locataire

Je m'appelle Christiane et demain, figurez-vous, j'aurai 88 ans ! Oh, je ne sais pas si je suis en forme... Je viens d'une famille de sportifs ! Mon grand-père a été footballeur international. Il a joué deux fois pour la Belgique. Camille Nys, il s'appelait. Mais bon, c'était avant la guerre de 14-18 !

J'ai participé durant mon enfance à un mouvement de jeunesse. Ça s'appelait la Fédération Mondiale de la Jeunesse Populaire. C'est ma jeunesse, ça ! Malheureusement, cela n'existe plus. À l'époque, on allait dans les pays de l'Est. J'ai, par exemple, été en Hongrie, et ma sœur en Roumanie en 1953. On apprenait des chansons populaires yougoslaves, polonaises, hongroises... Mon père, Georges Nys, a été résistant pendant la guerre de 40-45. La commune lui a d'ailleurs rendu hommage en faisant paraître son nom sur Facebook. Il était communiste et s'était inscrit au parti en 1936, l'année des premiers congés payés en France. C'était symbolique car c'était aussi l'année de ma naissance. Il était chausseur-cordonnier. Mon grand-père, lui, était plutôt chausseur-bottier. Il créait des chaussures de sport pour des joueurs du Daring.

Moi, j'ai travaillé à partir de mes quinze ans. À l'usine, puis par-ci par-là. Ensuite, j'ai travaillé pour Com et Char, le Comptoir Belge des Charbons. C'est eux qui décidaient du prix du charbon pour la Belgique. Ensuite, je suis rentrée chez Nielsen, une société américaine. J'y ai travaillé durant 26 ans. Il fallait une bonne mémoire des chiffres et une belle écriture, car l'informatique n'existait pas encore.

J'habite depuis 1994 à Ganshoren. À la mort de mon mari, j'ai demandé un logement social. Quand je suis arrivée ici à Ganshoren, il n'y avait presque pas de jeunes, ni de petits enfants. Depuis une quinzaine d'années, il y en a de plus en plus. C'est à la fois bien et plus difficile. Moi, je ne voudrais pas être jeune aujourd'hui. Il n'y a pas d'avenir pour les jeunes. Ce n'est pas comme à mon époque. Il y a beaucoup de parents qui ne travaillent pas et les enfants finissent par faire comme eux. C'est tout un mental, je veux dire. Mais c'est le monde qui est comme ça aujourd'hui. Ce n'est pas lié à Ganshoren spécifiquement.

J'aime bien me retrouver ici le vendredi pour échanger avec les voisins et les voisines...

Bertrand,
Animateur chez Accolage

Je m’appelle Bertrand et je travaille pour Accolage, qui œuvre dans plusieurs communes de Bruxelles dont Ganshoren.

Accolage, c’est un réseau d’entraide qui encourage les échanges entre voisins dans deux communes de Bruxelles, dont Ganshoren, afin de lutter contre la solitude et l’isolement des personnes. Au départ, j’ai fait des études d’Histoire à l’université de Leuven, mais j’avais envie de vivre dans une ville plus grande. J’ai d’abord habité à Koekelberg et trouvé du travail dans un magasin bio à Jette pendant deux ans, car je ne trouvais rien qui me plaisait dans ma branche en Histoire. Travailler dans ce magasin était très chouette, mais à un moment, j’ai eu envie de voyager un peu. Je suis donc parti avec mon vélo faire un tour de France durant deux mois. Cela m’a permis de réfléchir au sens de ma vie et à ce que je voulais faire.

En revenant, j’ai compris que je voulais travailler dans le social, car j’aime parler et aider les gens. J’ai postulé comme coordinateur du réseau d’entraide chez Accolage, et voilà, cela fait presqu’ un an que je travaille ici ! Le temps passe vite quand j’y pense ! Comme je travaille à Ganshoren et Jette, je peux comparer  : ce sont deux communes très différentes. Ganshoren est très petite et il y règne une autre ambiance car il n’y a pas vraiment de centre. Tout le monde se connaît plus ou moins, c’est assez familial.

À Ganshoren, j’ai un souvenir terrible en mémoire  : l’incendie au 216 avenue Van Overbeke. Une voisine, Isabelle (nom d’emprunt), qui fait partie de notre réseau d’entraide chez Accolage, a tout perdu dans cet incendie. C’était assez terrible pour elle. Je l’ai aidée à déménager et son appartement était dans un état catastrophique. Heureusement, les liens entre les voisins sont sympas. Nous avons organisé un pique-nique ici en été quelque temps après l’incendie. Lorsqu’Isabelle s’est mise à pleurer, tous les voisins sont venus vers elle pour la soutenir. C’était vraiment très beau de voir toute cette solidarité s’exprimer. Elle a été relogée rapidement grâce à Lojega.

Marie-Jeanne,
Locataire

Mon parcours est long à raconter. Je suis en Belgique depuis 1999. J’ai d’abord vécu à Mouscron, mais je voulais vivre à Bruxelles, la capitale de l’Europe, car mon dossier était ici. J’ai habité à Ganshoren une fois que j’ai eu mes papiers, en 2004. Ça fait donc vingt ans que je suis ici.

Personnellement, je n’ai pas beaucoup remarqué de changements. Pourtant, j’ai déménagé deux fois dans le quartier des Villas. Enfin, oui, c’est vrai que l’environnement a quand même pas mal changé. Par exemple, les allées autour des immeubles ont été améliorées. Les parcs pour les enfants aussi. D’ailleurs, mes deux petits-enfants aiment bien venir chez moi, entre autres grâce aux parcs. Depuis mon salon, j’en vois un d’ailleurs.

Ces rencontres le vendredi avec les voisins et les voisines, c’est très positif aussi. Les rencontres entre la direction et les locataires, durant lesquelles on évoque les problèmes, sont également positives. Souvent, des solutions sont trouvées. Dans mon immeuble, il y a eu des soucis avec un locataire, et ensemble, nous avons trouvé une solution pour lui et pour la communauté.
Les contacts avec les agents de Lojega sont efficaces, car ils viennent pour l’entretien de l’appartement. Que demander de mieux ? Vous savez que Ganshoren est jumelée avec une commune de mon pays ? Rusatira. Il y a même une rue à Ganshoren qui se nomme rue Rusatira. Parfois, les agents de la fonction publique de Rusatira viennent pour faire des échanges.

Quand je suis arrivée ici, je fréquentais l’église Sainte-Cécile. La majorité des personnes qui fréquentaient cette église étaient des locataires de logements sociaux. C’est là que j’ai rencontré le prêtre Dominique Crèvecœur, qui n’avait pas de bras. Il conduisait avec ses pieds et il faisait la messe toutes les semaines. Cette image m’a beaucoup marquée. Les paroissiennes et paroissiens sont soudés à Ganshoren et cela me fait chaud au cœur. Nous faisons des petites fêtes entre nous, des barbecues…

Michel,
Concierge

Ma tante était concierge à l’avenue des Neuf Provinces, 34 à Ganshoren. C’est comme ça que j’ai connu le quartier. Cela fait déjà 14 ans que je travaille ici. Au départ, j’ai fait mes humanités à Molenbeek-Saint-Jean, puis mon service militaire, et ensuite, j’ai travaillé en carrosserie. De fil en aiguille, je suis devenu concierge.

C’est un gros boulot car j’ai deux bâtiments à gérer, tous les alentours, le garage, et surtout le contact avec les locataires. 350 locataires, c’est beaucoup. En réalité, je suis concierge de quatre bâtiments, mais je n’en nettoie que deux.

J’ai eu un gros choc quand il y a eu l’incendie au 216. Il est important pour moi de dire que ce sont les jeunes qui ont été chercher les plus âgés dans leur appartement pendant que ça brûlait. Vous savez, on critique beaucoup les jeunes ici, mais quand il y a un drame, ce sont les premiers à aider et à prendre des risques.
Je n’étais pas là ce soir-là. C’est ma fille qui a vu les flammes et qui m’a tout de suite téléphoné.

Dans mon quartier, ce que j’apprécie, c’est le calme et la verdure. Et puis, les gens sont sympas ! J’aime cette diversité. Ça me plaît. Il y a de l’entraide entre les personnes, on a pu le remarquer lors de l’incendie, mais aussi dans d’autres circonstances. Par exemple, récemment, une dame a eu un problème de fuite d’eau dans son appartement. Cinq de ses voisins, sur le même palier, sont venus l’aider pour évacuer l’eau.

Bien sûr, en tant que concierge, on ne peut pas être aimé par tout le monde, mais en général, ça se passe vraiment bien. En fait, je suis un peu le lien entre Lojega et les locataires, mais aussi entre les voisins. Évidemment, on ne peut pas faire la police en tant que concierge quand il y a des soucis, mais on parle beaucoup avec les gens. Et puis, on n’a pas vraiment d’horaire en tant que concierge.

Mohamed,
Steward

Moi, j’ai postulé ici en tant que steward suite à une offre d’emploi qui me plaisait. Cela fait 19 ans maintenant, et je peux dire que j’ai vraiment créé du lien avec les habitants du quartier. En fait, le steward, c’est vraiment une présence dans le quartier. Si un locataire a un problème, il peut venir chez nous. Nous sommes là pour l’écouter et l’aider si nous le pouvons.

Parfois, face à des problèmes de voisinage, par exemple, nous essayons, quand c’est possible, de régler les choses. La plupart du temps, nous tentons de rétablir la communication entre les gens. Mais si nous avons affaire à une personne vraiment trop bornée qui ne veut vraiment pas arranger les choses, alors nous transférons le cas aux assistants sociaux ou à la police, si c’est trop grave. Ce sont eux qui prennent le relais.

Disons que c’est un métier où il faut beaucoup d’empathie, car les gens viennent souvent chez nous avec leurs soucis. Par exemple, des familles monoparentales avec des mamans seules et plusieurs enfants qui ne s’en sortent pas se sentent un peu dépassées. Parfois, nous aidons même des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. J’aime beaucoup mon métier, car il faut s’adapter continuellement aux nouvelles situations. Ce qui me plaît dans le quartier, c’est le fait que ce soit vert. Au printemps, on entend les oiseaux chanter.

C’est très agréable. Sinon, j’ai une histoire assez incroyable à raconter sur le quartier des Villas : il y aurait une maison hantée pas loin ! Enfin, «hantée» d’après les habitants, bien sûr. Il paraît que la nuit, les locataires entendaient frapper dans les murs, «boum boum». Ils sont partis, d’autres locataires sont arrivés, et eux aussi ont entendu du bruit dans les murs. Et depuis, cela continue ainsi avec tous les locataires qui y habitent. Le bruit court qu’une très ancienne locataire se serait suicidée ! Pas dans la maison, mais cela aurait suffi, d’après certains, pour que son fantôme soit enfermé dans les murs en quelque sorte...

C’est ce qu’on appelle une légende urbaine !

Henri et Gisèle,
Locataires

Ma femme et moi, cela fait 42 ans que nous vivons dans le même appartement ! On peut dire que nous avons connu les débuts des Villas. À l’époque, nous étions allés voir le bourgmestre et nous avons demandé, tout simplement. Ça se faisait encore comme ça à ce moment-là. Je lui ai dit que j’avais besoin d’un deux chambres. Nous avons visité l’appartement et ensuite, nous avons déménagé.

Mais il faut dire qu’il y avait une autre ambiance ici. Ça n’a plus rien à voir ! Avant, il y avait par exemple la fête des locataires, mais tout cela est fini aujourd’hui. Pourtant, c’était très bien cette fête. Un peu politique, mais bien  ! C’est dommage. Il faut dire que la situation en elle-même a changé. Il y a une vraie pauvreté aujourd’hui. Ce n’est plus la même chose. Et puis, les gens ne veulent plus entrer en contact les uns avec les autres. Dans notre immeuble, certains voisins courent pour ne pas devoir tenir la porte de l’ascenseur  ! Vous vous rendez compte ? Les gens, une fois la porte de chez eux fermée, se disent que le reste n’est plus leur problème. C’est triste !

Bien sûr, il y a des exceptions. Rachida, par exemple, est très gentille. Elle a trois enfants très polis. Et si nous avons un problème, nous pouvons toujours aller sonner chez elle. Ça, c’est quand même sympa. Au fait, vous savez pourquoi on nous appelle « Monsieur et Madame Nelson » ? Parce que notre chien s’appelait Nelson. Il est mort, malheureusement.

Tout le monde nous connaît ici. Ça fait tellement longtemps. Si je descends sans ma femme, on me demande où elle est, et si ma femme descend sans moi, on lui demande où je suis. Nous sommes toujours à deux.

Yvette,
Locataire

Moi, je suis ici depuis 1984. Je suis dans cet immeuble-ci depuis 34 ou 35 ans, je crois. Je vais avoir 82 ans au mois de juillet et je ne me sens plus en sécurité ici. Je trouve que les parents ne savent plus éduquer leurs enfants. Les enfants, les jeunes, sont livrés à eux-mêmes. Non, je n’ai jamais eu de problèmes personnellement avec des jeunes, même dans le bus, mais c’est d’entendre ce qu’on dit ! Surtout ma voisine, qui est au courant de tout. Elle ne sort pas beaucoup non plus, mais elle sait beaucoup de choses sur ce qui se passe ici !

Non, pour moi, dans ce quartier, on n’est plus en sécurité. Par exemple, dans les escaliers de secours ici, il y a du trafic. On fume, on boit. Avant, il y avait une fête des locataires, ça permettait peut-être de se rencontrer plus, mais moi, de toute façon, je ne sors plus. Même pour aller chez ma sœur qui n’habite pas loin. Non, je me sens bien chez moi, alors j’y reste. Je sors très peu !

Par contre, je trouve que le quartier est plus vert qu’avant. Les aménagements urbains sont mieux. Il y a beaucoup de changements et ça commence à être mieux entretenu.
Et puis, c’est un quartier assez calme, finalement. Oui, je suis isolée, mais ça me convient. J’ai toujours été solitaire. Et mes enfants habitent loin, donc je ne les vois pas beaucoup.

Roly,
Locataire

J’habite ici avec mes parents depuis environ 5 ans. Je vais à l’école du côté de la gare du Midi. Je suis en école supérieure et je fais du graphisme. Mon rêve est de faire un métier artistique. Quand je suis arrivé ici, je ne connaissais personne, mais comme je faisais du basket, je me suis rapidement fait des amis sur le terrain. C’était cool !

Mais bon, je crois qu’il y a quand même une sorte de fracture entre les habitants de ce quartier, pas uniquement entre les vieux et les jeunes. Certains ont des stéréotypes en tête, et si on ne se rencontre pas, il est compliqué de changer de vision. Faire plus d’événements en plein air encouragerait les voisins à se rencontrer davantage et à partager des choses différentes, pas seulement des regards ou des a priori de loin ! Quand il y a une fête, on échange des paroles, on partage de la nourriture, des spectacles, de la musique… Il y a une super ambiance dans ces moments-là.

Ce qui est sympa, c’est que ce quartier est assez vert. D’ailleurs, ça me fait penser à une anecdote. Un jour, ma sœur et moi sommes allées du côté de la forêt, et nous avons trouvé un chaton sauvage. Un chat de la rue, quoi ! Nous l’avons adopté, et il est toujours chez nous. Il a fini par s’adapter. Ce n’était pas gagné au départ, mais maintenant ça va. Il vit avec nous, ce qui fait un locataire de plus à la maison.

Aliyah,
Locataire, 12 ans

J’ai douze ans et j’ai un chat. Ah oui, et j’ai trois frères aussi ! J’ai plein de copines et de copains dans le quartier. J’habite ici depuis ma naissance. Enfin, nous avons juste déménagé d’un étage il y a quelque temps.

Ma mère connaît pas mal de voisins, et moi aussi, mais je ne peux pas sortir seule ; donc, non, je ne joue pas trop dans le quartier. Cependant, j’ai beaucoup d’amies qui habitent par ici.

J’ai plutôt l’impression que les vieux et les jeunes s’entendent assez bien. Évidemment, je ne parle pas des personnes âgées aigries ou tristes.
Un jour, avec la Maison des Jeunes de Ganshoren, nous sommes allés dans une maison de retraite pour rencontrer des personnes âgées. Nous avons joué ensemble et nous nous entendions bien.

Je trouve qu’il faudrait plus de parcs pour que ce soit encore plus vert ici, dans le quartier des Villas. Il faudrait aussi plus d’ateliers de théâtre, car j’ai adoré faire du théâtre. Pour moi, c’est un grand événement dans le quartier, et j’espère que cela va continuer. J’aime bien quand il y a des fêtes avec des spectacles et tout ça...

Mayssam,
Locataire , 13 ans

Nous sommes trois enfants à la maison, enfin bientôt quatre, car j’attends encore un petit frère. Ma maman est enceinte. Je suis en première secondaire à Ganshoren. J’habite ici depuis ma naissance.

Avant ma naissance, mes parents habitaient dans l’un des immeubles orange, là-bas. Puis, ils ont dû déménager car cela devenait trop petit avec nous tous.

J’aime bien mon quartier, oui, mais ça pourrait être mieux ! Je trouve que c’est sale. Les gens ne font pas attention. Ils jettent, ils jettent, ils jettent tout et n’importe quoi. Et surtout, ils jettent n’importe où ! C’est vraiment dégoûtant. Si les gens faisaient un peu plus attention, cela changerait le visage de notre quartier. Je ne comprends pas, car eux aussi habitent ce même quartier.

Sinon, non, je n’ai aucun contact avec les autres jeunes d’ici ni avec les voisins, pas du tout. Les amies que j’ai, je les connais de l’école. Il y en a une qui habite dans le quartier, mais sinon, les autres prennent le tram ou le bus.

Parfois, je fais des courses pour maman. J’y vais à pied et toujours en journée. Il n’y a pas trop de voyous ici, mais je me méfie quand même. Disons que je ne me balade jamais seule le soir.

J’aime bien quand il y a des mariages. Ça klaxonne de partout, ça met de l’ambiance. Chaque année, il y a au moins un mariage ici.

C’est trop beau !

Raphaël,
Locataire, 15 ans

J’habite ici depuis quatre ans, mais je n’ai pas vraiment d’amis dans le quartier. Disons que j’ai des contacts assez lointains avec les voisins. Les vrais amis, c’est plutôt à l’école, quoi ! Mes parents, eux, ils ont quelques connaissances dans le quartier. D’ailleurs, parfois, il y a même des petits barbecues entre voisins ici, c’est sympa ! J’aime bien quand il y a des fêtes foraines. Ça met de l’ambiance.

Mais pour que la vie soit vraiment plus cool au quartier des Villas, je trouve qu’ils devraient installer un terrain de volley-ball ! J’adore le volley-ball ! C’est ma passion ! Ça pourrait rapprocher les jeunes entre eux. Je sais qu’il y a déjà le terrain de foot et un centre sportif, mais s’il y avait un terrain de volley, je pense que je rencontrerais plus de monde, personnellement.

Sinon, il faudrait aussi un petit café du coin, tu vois ? Un café et quelques commerces pour que les gens puissent se rencontrer, parce que ça manque ! Je pense parfois aux personnes âgées et je les plains, car elles doivent faire des kilomètres pour trouver un magasin. Et je te raconte pas si tu as du mal à marcher… Je ne sais pas comment ils font, ces gens !

Micheline,
Travailleuse à Lojega

Moi, je suis à Lojega depuis 43 ans. J’ai connu la construction des bâtiments du quartier des Villas et j’ai commencé comme polyvalente. Je suis passée par tous les services. Aujourd’hui, je suis au service technique, mais je suis même passée par l’accueil. J’ai tout fait ici. Pour moi, le public a beaucoup changé dans le quartier des Villas.

Avant, les locataires s’installaient le temps de mettre un peu d’argent de côté pour pouvoir ensuite partir et peut-être acheter un appartement ou une maison ailleurs. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il y a des gens qui sont dans un tel état de précarité que c’est plutôt la survie pour eux. De nos jours, pour avoir accès à un logement social, il y a une longue liste d’attente et les conditions pour y accéder ne sont plus les mêmes. À l’époque, les conditions étaient beaucoup plus souples, mais la société a tellement évolué ! C’est logique ! Et puis, Lojega a tellement grandi. C’est un peu comme mon bébé, cette entreprise, car j’ai suivi toute son évolution. C’est ma deuxième maison en quelque sorte !

Vous savez, à l’époque, c’était le surveillant lui-même qui faisait les petits bricolages à droite et à gauche dans les appartements et il transportait son matériel dans une brouette ! C’est pour vous dire ! Aujourd’hui, on a nos propres camionnettes. On ne peut plus comparer ! Mais je trouve malgré tout que les relations sont devenues beaucoup plus distantes et individualistes entre les locataires. Avant, les voisins se connaissaient. D’ailleurs, on venait parfois me trouver pour me dire « Vous savez, Madame Untel n’est pas bien, il faudrait aller l’aider ! ». Aujourd’hui, les gens s’inquiètent rarement pour leurs voisins. À notre époque, c’est chacun pour soi. C’est un peu comme l’évolution de la société en général. Le soir, les gens ferment leur porte à double tour et c’est terminé, peu importe ce qui se passe chez le voisin d’en face. Je trouve ça dommage car il y avait vraiment une ambiance plus agréable pour les locataires avant, une ambiance beaucoup plus conviviale et solidaire.

C’est en tout cas ce que les gens me renvoient quand je les rencontre. Parfois même, je rencontre des anciens qui me disent « Ah, Madame Micheline, ça fait plaisir de vous voir ! ». C’est vrai que moi, dès que je pouvais aider, j’aidais. Alors, les gens se souviennent de moi. Et quand je ne pouvais pas aider, j’expliquais toujours pourquoi, avec respect. Et du coup, il y a toujours eu beaucoup de considération entre les locataires et moi.

Bien sûr, j’ai parfois vécu des choses difficiles. Des choses parfois traumatisantes qu’on ne peut pas oublier dans une carrière, comme des menaces, de l’agressivité, des scènes délirantes avec certains locataires, un vol à main armée et même un étranglement un jour par une femme qui avait un problème psychiatrique et qui s’est suicidée après, d’ailleurs. Ça n’a pas toujours été simple, mais j’ai malgré tout gardé un très bon souvenir.

Je pourrais prendre ma pension, mais j’ai du mal à lâcher. C’est pour vous dire combien je tiens à ce quartier et à ce travail.

Laetitia,
Locataire

Moi, je pense qu’un building, c’est comme une rue mais verticale… Et comme dans une rue, il y a des tas de personnes différentes. Il y a des gens bien, des gens moins bien. On a envie de sympathiser avec certains et avec d’autres non, comme dans la vie ! Il n’y a pas de solidarité entre les habitants de mon immeuble, non, mais il y a deux ou trois personnes avec qui j’ai des contacts. Il y a une seule personne que je pourrais contacter si j’ai un problème : l’ancienne concierge. Mais pour le reste, j’essaie de me débrouiller seule.

Ce qui est important à dire, c’est que les logements sociaux ne sont pas des logements de choix. Ce sont des logements de nécessité. On ne choisit pas d’habiter ici. Ça fait plus de vingt ans que j’habite dans le quartier des Villas. À l’époque, j’ai reçu mon logement dans un état lamentable. Aujourd’hui, ils les remettent à neuf, et ça, c’est une bonne chose pour les locataires. Ces appartements, avec le temps, sont devenus plus vétustes qu’avant. Heureusement qu’ils existent, mais les conditions ne sont souvent pas celles que nous souhaiterions pour vivre sereinement.

Sinon, j’aime beaucoup le jardin des plantes aromatiques. J’y participe d’ailleurs. Pas tout le temps, car j’ai de gros problèmes de santé, mais parfois, j’amène des graines à planter, des pousses… Et j’offre aussi à la paroisse Sainte-Cécile des dons que je reçois d’un ami qui est vendeur au marché de Jette. De plus, il y a quelques années, j’ai aussi aidé bénévolement des étudiants à revoir leurs cours.

À propos des jeunes, ce qui serait bien, c’est qu’on essaie de régler les problèmes de trafic de drogue dans le quartier. C’est un vrai problème pour les habitants. Dans le passé, j’étais responsable des animations sociales et culturelles dans des logements sociaux à Woluwe, et nous avions créé un petit bistrot participatif. Ce bistrot de quartier fonctionnait avec une carte de membre et n’était réservé qu’aux locataires des logements. J’avais formé les habitants à fonctionner avec un système d’autogestion, et ça marchait super bien ! Nous faisions aussi un dîner une fois par mois avec des mets différents en fonction des nationalités, et c’était vraiment sympa ! Les gens étaient très contents et heureux de se retrouver entre eux pour partager un moment convivial. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, bien sûr. Ça a pris du temps. Mais il faudrait qu’il y ait une vraie volonté pour que les habitants se réunissent aux Villas et qu’ils partagent des choses ensemble.

Salvadore,
Locataire

Moi, je dois dire que je suis content qu’ils aient installé des calorimètres dans les appartements ! C’est vrai, si tu as envie de chauffer à 30°C, c’est ton problème ! Tu fais chauffer à 30°C, mais c’est toi qui paies la note. C’est un peu comme au restaurant : si tu veux une grosse assiette et une bonne bouteille de vin, c’est toi qui paies l’addition. Logique, non ? Alors oui, les espaces communs sont payés par la collectivité, mais dans ton appartement, c’est ta consommation propre. Non, c’est mieux comme ça, je trouve.

Aujourd’hui, je m’occupe beaucoup de ma mère.

À l’époque, j’avais un appartement ailleurs, dans le privé, mais les prix ne sont pas les mêmes que dans les logements sociaux. Il y a une quinzaine d’années, on m’a mis sur une liste d’attente pour un logement social, et en six mois, c’était fait. À l’époque, c’était différent. Bien sûr, j’étais suivi médicalement et j’avais des charges. D’abord, on m’a donné un appartement dans une des tours là-bas plus loin. Mais c’était un peu claustrophobique, je dois dire. Ça tourbillonnait fort quand il y avait du vent. Nous étions face au bois, donc quand le vent soufflait, nous le recevions de plein fouet ! Je ne dormais presque plus la nuit. Alors j’ai demandé à être relogé ailleurs, et en trois ou quatre mois, c’était fait. Mais ce n’est plus comme ça aujourd’hui. Il y a trop de demandes.

En gros, oui, je suis ici depuis les années 2000. Ce que je trouve bien, c’est tout l’aménagement qu’ils ont fait : l’éclairage, les trottoirs, la petite allée pour aller à l’arrêt de bus. Mais bon, l’ambiance dans le quartier n’est pas géniale ! Il y a beaucoup à faire. Ils devraient être plus stricts avec les gens, je trouve. Un règlement, c’est un règlement. Ça manque de surveillance. Je ne connais personne ici. Je ne sais pas d’où viennent les gens. Et je pense qu’il faudrait organiser des repas avec les locataires pour qu’ils apprennent à se connaître. Des repas conviviaux où l’on peut discuter… Pourquoi pas avec un peu de musique, mais en tout cas, un endroit où l’on peut échanger et parler de ses problèmes. Les gens se sentent seuls.

Fatime,
Locataire

Moi ? Je suis ici depuis juin 2012. J’ai beaucoup de bons souvenirs dans le quartier. C’est vert et c’est un beau quartier. Parfois, il y a même des fêtes organisées, c’est sympa. De plus, l’association Kids and Family organise des festivités pour les enfants, ce qui est bien. Moi, je trouve qu’il y a tout dans ce quartier. À part un magasin ou deux qui manquent, je pense qu’il y a tout. En tout cas, je suis contente. Il faudrait juste peut-être un Lidl ou un Aldi, car parfois, c’est difficile de faire ses courses sans voiture. Disons que prendre le bus pour aller faire ses courses n’est pas très pratique !

Je me souviens qu’il y a quatre ou cinq ans, il y avait eu des problèmes avec certains jeunes ici en bas, mais depuis que la police s’en est chargée, ça va beaucoup mieux. Il y a aussi une bonne entente entre les locataires. Je ne connais pas beaucoup de monde dans le quartier, mais on s’entend bien. Les gens se respectent. Il y a des Marocains, des Belges…

Je vis dans mon appartement avec ma fille et mon fils. C’est un peu problématique car c’est trop petit. Nous n’avons que deux chambres, et ma fille, qui devient grande, ne veut plus dormir avec son frère. Du coup, il dort dans le salon, et à cause de cela, je n’ai plus de vie. À 20h30, en semaine, quand c’est l’école, je ne peux ni mettre la télévision ni avoir une conversation téléphonique avec une amie. Je dois tout éteindre pour laisser mon fils se reposer. Cela, c’est compliqué pour moi. J’ai fait une demande de mutation depuis deux ans et demi… J’espère que ça va bientôt se régler.

Yaovi,
Locataire

J’habite dans le quartier depuis 2008. J’aime beaucoup l’environnement de mon quartier  : la verdure, le calme et certains habitants avec lesquels j’ai de bons contacts.

Je dirais qu’il y a même une forme de solidarité avec certains. Quand je sors, je dis « Bonjour » à tout le monde. C’est la moindre des politesses, je trouve. Avec certains, cela peut aller plus loin, et nous échangeons quelques mots. C’est un peu notre façon de veiller les uns sur les autres. Quand je descends de chez moi, si quelqu’un me voit, on me tient automatiquement la porte. Mais je sais que ce n’est pas le cas dans tous les immeubles. Pourtant, nous vivons en communauté. C’est important de savoir vivre avec les autres, avec leurs défauts et leurs qualités, et aussi de faire attention à la façon dont on parle aux autres. Je pars du principe que personne n’est parfait et que nous avons toujours besoin des autres. Il faut être attentif pour éviter les conflits de voisinage.

Bien sûr, il y a beaucoup de choses à améliorer dans le quartier. La responsabilité ne repose pas uniquement sur les locataires. Par exemple, les allées sont souvent négligées, ce qui est dangereux. Parfois, les personnes âgées trébuchent dans ces allées, et si elles se cassent la hanche, c’est une catastrophe pour elles. Lorsque les feuilles tombent, cela devient glissant. C’est très dangereux. Il faut entretenir ces espaces plus et mieux. Même dans les appartements, il y a parfois des problèmes d’humidité, d’usure ou de délabrement… Ce sont des vieux immeubles qui ont au moins cinquante ans et qui doivent être constamment entretenus.

Nous devrions écouter bien plus les habitants.
Lojega
Compagnie du droit au chapitre
SLRB-BGHM
Région de Bruxelles-capitale
Accolage
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